Carole Texier

Vues d'exposition / exhibition views

Eglise Saint Merry / Saint Merry church, Paris, 2019

Mobirise

Avec « Foules », Carole Texier évoque par le dessin le cadre de la dévotion populaire des processions de la Semaine Sainte à Séville : d’une part, les grandes figures sculptées dans les églises que sont les christs en croix ou les christ aux outrages et, d’autre part, les foules qui emplissent la ville, entourées par de fervents groupes paroissiaux ou d’institution. La diversité des poses des modèles traduit des lectures et des exaltations différentes des textes évangéliques.

Ses œuvres réalisées pour Saint-Merry ne sont pas de simples agrandissements de dessins antérieurs, mais leur réinterprétation artistique : libération du trait, simplification accentuée des figures de crucifié, de souffrant outragé et rendu des foules, celles qui processionnent et celles qui regardent.


Cette exposition est, sur le fond et la forme, un face-à- face esthétique construit à partir d’œuvres réalisées pour cette église parisienne : des dessins face une architecture imposante, un homme seul face à la foule, le minimalisme contemporain face au débordement sévillan, dans le cadre d’une église saturée en éléments patrimoniaux élaborés sur quatre siècles.



À Saint-Merry, quatre espaces, quatre sujets, quatre mises en scène, quatre approches artistiques :

Transept : en occupant les places des quatre grands retables actuellement en restauration, Carole Texier donne à voir, à la même échelle, quatre façons de saisir le thème de la crucifixion dans les chefs d’œuvre sévillans, des christs encore vivants ou déjà morts. Les lignes noires sur le fond blanc contribuent à l’unité de cet espace majeur de l’église et visible de toute part ; avec les formes différentes de ses dessins, elle s’adresse à tout homme croyant ou non.

Bas-côté : en accrochant trois grandes figures sévillanes de Christ aux outrages face à un chef d’œuvre de Saint-Merry, la grande sculpture en bronze éponyme de Pierre de Grauw (1975), Carole Texier rend hommage au sculpteur français, mais mesure à nouveau les rapports entre plusieurs traditions de représentation (bois, bronze) et la sienne (dessin). Pour cela elle joue avec l’architecture des piliers du XVIe et l’espace carré et plus sombre qu’ils délimitent.

Le claustra : l’artiste se glisse dans un espace plus intime, avec une multiplicité de petites estampes qui sont des travaux antérieurs : tout se passe comme si elle composait avec les murs de pierre bruts un nouveau livre d’artiste, ouvert simultanément à toutes les pages. Elle pare un espace de la méditation libre et de la découverte artistique.

Un axe perpendiculaire à la nef : le dernier point fort, et non des moindres, de cette exposition donne le sens à son titre. Avec ses huit grands dessins de foules, quasi abstraits, mais ancrés dans une tradition picturale renaissante, l’artiste compose une scénographie saisissante axée sur une belle sculpture de Saint-Merry, une pietà du XVIIe. Le regard traverse l’église dans toute sa largeur. Les foules sont ici représentées explicitement alors qu’elles sont absentes des autres dessins représentant un homme seul, dans la souffrance. Or ces foules y sont pourtant bien présentes, mais en creux : celles que forment les visiteurs et que l’artiste n’a pas besoin de figurer, car elles sont réelles et regardent.


À Séville, la foule est partout ; à Saint-Merry elle est dans le dessin et devant le dessin. La mise en abîme fonctionne grâce à l’architecture du lieu, durant un temps liturgique spécifique : Pâques.

L’artiste aborde la puissance potentielle des foules. Sans le revendiquer, elle demeure fidèle à la structure des Textes : les évangiles sont construits sur les rapports entre un homme et des foules aux passions, attentes et désirs multiples, jusqu’à la menace et à la réclamation de la mise à mort.

Ces petits et grands dessins liés à l’expression de la dévotion ne constituent qu’une partie de l’œuvre de Carole Texier, l’artiste faisant aussi des livres d’artiste illustrant de la poésie. Une vitrine à côté du claustra en montre deux exemplaires.


Avec « Foules », Carole Texier donne à ressentir que nous sommes membres de ces foules changeantes. Son regard est un miroir tendu aux visiteurs.

Mais comment transformer ces foules en peuple ?

Jean Deuzèmes


Le samedi 4 mai eut lieu une lecture de « Presque le Ciel », textes du poète Jean Gabriel Cosculluela, par Michael Lonsdale et Pierre Fesquet. Ces textes ont fait l’objet d’un livre d’artiste réalisé par Carole Texier et exposé à Saint-Merry .

Les dessins de Carole Texier ont comme inspiration:

Les christs en croix:

Santísimo Cristo de la Expiración(Hermandad del Museo), Santísimo Cristo de la Conversión del Buen Ladrón (Hermandad de Montserrat), Santísimo Cristo de la Buena Muerte (Hermandad de los Estudiantes), Cristo del Millón

Les christs assis:

Santísimo Cristo de la Coronación de Espinas (Hermandad del Valle), Santísimo Cristo de la Humildad y Paciencia, Nuestro Padre Jesús de las Penas (Hermandad de la Estrella)


Ci-dessus, vidéo de l'exposition et de son installation, par Eric Kailey.
Ci-dessous, vidéo de l'exposition complète, par Clément Gourand. 

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